Epitaph

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Il avait donné rendez-vous Gare de l’Est une fin d’après midi d’automne, devant la brasserie Ville de Colmar, sans doute ce nom lui rappelait-il son enfance, passé à la caserne du régiment du train. Déjà son père s’activait pour le Bureau du temps de la guerre froide.

La voie sera étroite et le temps compté avait-il annoncé sans plus donner de précision.
Le message devait être transmis de manière urgente, il en était vraiment persuadé.

Il était dit que la rencontre se ferait dans les toilettes de l’établissement. Sans doute le reconnaîtrais-je après toutes ces années. Nous n’avions plus été en contact depuis cette histoire mal terminée avec l’échec du noyautage de l’Entreprise.
Tout se suite sa voix familière connecta mon cerveau et fit remonter tant d’histoires anciennes ; il avait bien vieilli moi aussi sans doute. L’échange fut bref et les sentiments mis de côté.
L’urgence commandait.
Le message cryptée et géo-localisable à tout instant par le Bureau était dissimulé dans une carte de fidélité qu’il me remit.
De manière habituelle j’attendis un bon moment avant de ressortir par l’entrée opposée donnant sur le faubourg Saint Martin. Un vilain crachin flottait dans l’air. La lumière baissait.

J’avais encore l’image de son visage à l’esprit, préoccupé par le risque qu’il avait pris de se déplacer en personne. Pourquoi m’avoir choisit après cet échec qui avait mis fin à toutes mes perspectives de carrière et qui m’avait amené à traiter de l’administratif à longueur de journée.
La procédure imposait bien sur toutes les mesures de prudence pour éviter d’attirer l’attention, je traversai un square puis par un passage dans les couloirs à double sortie d’une station du métro je débouchai par le parking souterrain.

Les instructions étaient précises faire le plus vite possible sans pour autant prendre le moindre risque. Je choisis le bus pour aller au rendez-vous.

Un original en chapka sommeillait (je n’imaginais pas un instant qu’un agent devant se fondre dans le décor adopterait un tel accoutrement). Sait-on jamais, je descendis et empruntai, pour une station, le métro. Non loin du but examinant les silhouettes se pressant vers leur destination, les parapluies devenaient plus nombreux, empêchant une vision nette de la situation.

Les instructions m’envoyaient à la porte du grand bazar situé rue de Rivoli près de l’Hôtel de Ville. Il m’attendrait devant la porte au coin et je devais le suivre au rayon bricolage. Mais quelque chose clochait, il était là il ne bougeait pas semblant paralysé. J’entendis un bruit sec et patent, je poursuivis mon chemin pendant que la panique prenait corps dans la rue.

LA CONFUSION SERA SON ÉPITAPHE.

14 Responses

  1. Luc

    Dans l’ensemble, jolies photos comme d’habitude.
    En particulier, je crois que je ne comprendrai jamais comment tu peux prendre en photo des personnes de si près.
    J’ai un solide blocage qui m’empêche de faire pareil !

    • Amor

      Merci Luc.
      Finalement à force d’en prendre je suis beaucoup plus à l’aise, au début j’hésitais un peu mais en restant discret, je ne me pose plus vraiment la question.
      Heureusement car c’est quand même ce qui m’intéresse en photo.

      • Luc

        Oui, mais par exemple, la photo « figé », le monsieur au chapeau, il te voit. Il n’a rien dit ? J’ai l’impression que tu es relativement près de lui ! On dirait même qu’il pose pour toi ! 😉

        • Amor

          Au cas particulier la photo a presque un an mais je sais que la personne n’a pas réagi. Je pense que les gens ne se rendent pas compte si je prends ou pas une photo soit en visant à côté puis en la prenant vraiment sur le sujet, soit en passant « l’air de rien ».

  2. esther FR

    Tu fais concurrence à John Le Carré 😉
    Un mini roman photo d’espionnage, pas mal, très bonne idée. Tu fais de drôle de trucs quand même entre deux rendez-vous de boulot !!
    Je me suis laissée embarquer dans cette histoire, jusqu’à la rencontre dans les toilettes de l’établissement, excellent ! Tes personnages à chapeau semblent sortis tout droit d’un roman des années 60… ma préférence à « l’air de rien », « figé », et « se fondre », mais les autres sont indispensables dans l’histoire.

    • Amor

      Merci Esther en fait je suis agent triple, je surveille les photographes provinciaux qui viennent nous espionner à Paris!!
      J’aime bien photographier les personnes qui portent des chapeaux ça m’inspire. Ces deux personnes sont à l’origine de l’histoire.

  3. Pascal

    Excellent ce polar bien illustré et avec ce subtil brin d’humour 🙂 . c’est vrai que l’on se laisse facilement embarqué. Donc ça marche. Je pense que cela a du te pendre énormément de temps et de patience pour réunir ces clichés pour animer ce polar. mais la question est dans quel ordre tu travailles. Tu as tes images et tu écris en fonction ou l’inverse: ton récit est déjà sur papier et tu vas à la recherche de tes images?

    • Amor

      Merci Pascal pour ton judicieux commentaire.
      Pour cette histoire je suis parti de la première photo de l’homme au chapeau à la Gare de l’Est, photo de novembre 2015.
      J’en ai pas mal comme celle-ci où je pense pouvoir raconter quelque chose en image et puis comme maintenant j’essaie de construire aussi des séries cohérentes
      les mots viennent ensuite. Ici je suis parti des deux hommes en chapeau et j’ai imaginé une histoire pour les relier en fonction des lieux de prise de vue.
      Dans cette histoire toutes les photos (2014 à 2016) sont antérieures au texte.
      L’inverse viendrait plutôt d’un texte d’une autre personne que j’illustrerai après.

      • Pascal

        Merci pour cette précision. Tes récits me rappellent à mon enfance. Gamin je partais d’une scène, une photo ou un objet et j’imaginais un polar, une fiction. Je faisais le spectacle pour ma famille :-).

  4. Anne LANDOIS-FAVRET

    Très sympa ce récit, c’est vrai que le premier monsieur à chapeau est très inspirant, et le second, très particulier également !

    Tu as réussi à aller sur un quai d’une ancienne station, c’est laquelle? 😀

    J’aime bien « l’air de rien », « deviens policier » et « Epitaph » !

    • Amor

      Merci Anne.
      Les gens en chapeau sont toujours très photogéniques, le chapeau donne du style.
      Le métro c’est sur la ligne 7bis la plus petite de Paris avec des rames mini et 7 stations seulement (une curiosité) je ne sais plus la station désolé.

      • Anne LANDOIS-FAVRET

        Je connais un peu la 7bis, surtout pour les Buttes Chaumont, mais la photo que tu as prise me semble être d’un quai désaffecté, ça me fait cette impression.

  5. alex94130

    Super cette idée de roman-photo, j’adore ! Tu as bien réussi à mettre en scène des images qui racontent quelque chose, au final ça fonctionne très bien. J’aime beaucoup « Deviens policier », une photo à la fois drôle, tendre, et qui veut nous raconter quelque chose. Les deux autres hommes au chapeau sont sympas aussi, de même que le garçon de café.
    C’est vrai que les chapeaux/impers, ça donne tout de suite le ton en photo de rue.

    • Amor

      Merci Alexandre pour ton commentaire, content que ça te plaise.
      Le roman photo un genre disparu depuis longtemps il me semble. A une époque beaucoup de gens lisait ça!!